Expertise Collective Inserm du 4 juin 2009 - Troubles des apprentissages scolaires

Publié le par Lémos Dedys

L'association Lémos Dedys était présente le 4 juin 2009 à la Maison de la Chimie de Paris  à la  rencontre-débat autour des expertises collectives sur le thème « Santé des enfants et des adolescents » organisée par  Le Centre d'Expertise Collective Inserm .

Nous vous mettons en ligne le compte rendu de la session 3 sur les Troubles des apprentissages scolaires.


L’enfance à l’école : rythmes des activités et des apprentissages

La session est animée par Colette VIDAILHET, pédopsychiatre, Université Henri Poincaré, Nancy.

Troubles des apprentissages scolaires

Franck RAMUS, Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques, UMR 8554, Paris

Une expertise collective de l’Inserm, intitulée « Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie », couvre le champ de troubles cognitifs chez l’enfant et plus précisément ceux qui se manifestent pendant le temps des apprentissages scolaires. Ces troubles touchent le développement d’une fonction cognitive particulière (lecture, écriture, calcul). Ils se caractérisent par un décalage entre la performance dans la fonction cognitive et le fonctionnement intellectuel général de l’enfant. Celui-ci peut souffrir d’un trouble spécifique des apprentissages tout en ayant une intelligence normale (voire supérieure à la moyenne) et en développant des talents particuliers. On estime que la dyslexie, l’un des troubles évoqués, touche environ 5 % des enfants, c’est-à-dire un enfant par classe. Enfin, ces troubles spécifiques n’ont évidemment pas vocation à expliquer l’ensemble de l’échec scolaire, qui résulte quant à lui de la conjonction d’une multiplicité de causes.

Ces troubles spécifiques sont souvent associés les uns aux autres. La dyslexie est ainsi fréquemment associée à la dysorthographie mais aussi à des dyspraxies ou à des troubles du langage. On observe aussi des troubles secondaires liés à la situation d’échec scolaire, qui peuvent se traduire par une perte de confiance en soi, voire par l’apparition de troubles anxieux ou comportementaux. Enfin, les troubles spécifiques des apprentissages sont durables. On peut observer une relative récupération à l’âge adulte mais on n’en guérit jamais tout à fait. Cette capacité de récupération varie d’un individu à l’autre ; elle peut aussi varier en fonction de l’aide que reçoivent les individus concernés. De nombreux enfants souffrant de troubles spécifiques des apprentissages peuvent en tout cas, moyennant une aide adaptée, suivre une scolarité à peu près normale, allant jusqu’à l’enseignement supérieur.

L’hypothèse traditionnelle qui attribue les causes des troubles spécifiques des apprentissages à des troubles affectifs et de la relation n’a jamais été validée scientifiquement. Des études montrent, en revanche, que ces enfants souffrent de troubles cognitifs, liés à des dysfonctionnements de certaines parties du cerveau. Il s’avère également que des facteurs génétiques influencent la manifestation de ces dysfonctionnements. De nombreuses données font également état d’activations anormales des aires du langage et de celles impliquées dans la lecture. Sur le plan anatomique, ces régions présentent d’ailleurs des particularités qui s’écartent de la norme. Récemment, des travaux de génétique ont mis en évidence l’association de gènes à certains facteurs du développement cérébral, notamment la migration neuronale.

Dépistage et diagnostic de la dyslexie

Catherine BILLARD, Neuropédiatre, Centre de référence sur les troubles des apprentissages, Hôpital Bicêtre

Il n’existe pas de traitement curateur de la dyslexie. Mais nous pouvons aider ces enfants à compenser, grâce à l’association de la pédagogie et de la rééducation. Derrière le terme de

dyslexie se trouvent des milliers d’enfants souffrant de troubles divers. Le dépistage est essentiel, à condition que l’on utilise ce dépistage pour une réelle action d’aide. Il faut dépister les facteurs de risque (les troubles du langage oral, les antécédents familiaux et les milieux linguistiquement et socialement défavorisés) avant 6 ans. Il faut dépister les difficultés avérées d’acquisition du déchiffrement dès le CP, puis ensuite tous les troubles du langage écrit (vitesse, précision, compréhension de lecture et orthographe). Si le dépistage doit être systématique dans les milieux défavorisés, on peut sans doute préconiser un dépistage sur signalement dans les milieux plus favorisés.

L’école est évidemment essentielle, et ce au début, car la réponse de première intention sera primordiale. Son rôle est évalué dans plusieurs programmes étrangers notamment aux États-Unis et en Finlande. Encore faut-il constituer des petits groupes, aux besoins similaires, auxquels on apporte une réponse intensive, ciblée et explicite, selon un protocole rigoureux. Le contenu de l’enseignement doit, au début du primaire, être centré sur l’apprentissage du décodage et de la conscience phonologique. L’école est également essentielle pendant les soins, avec la nécessité d’un lien efficace entre parents, enseignants et rééducateurs. Il doit aussi exister une pédagogie du français correspondant au niveau des enfants. Enfin, l’école doit aussi prendre le relais après le traitement, pour l’adaptation aux séquelles : lenteur de lecture, dysorthographie.

Les soins orthophoniques sont également indispensables. Ils doivent répondre à une indication précise, en cas d’insuffisance de la réponse pédagogique et en cas de troubles sévères. Le projet de soins doit alors être éclairé et intensif, avec une coordination experte. Les centres de référence ont un rôle tout aussi important à jouer et remplissent notamment les trois fonctions suivantes :

                        aider au diagnostic et aux soins en cas de trouble sévère, évoluant insuffisamment, ou complexe ;

                        effectuer la recherche clinique, en lien avec les chercheurs fondamentaux, pour définir les bonnes pratiques et évaluer les efficacités des soins ;

                        diffuser les connaissances scientifiques.

 

Enfin, il convient de traiter les troubles associés : dysgraphie, dyscalculie, troubles déficitaires de l’attention, troubles du comportement ou émotionnels internalisés ou externalisés

Implication des professionnels de santé de l’Éducation nationale

Jeanne-Marie URCUN, Médecin conseiller technique de l’Éducation nationale, Paris

Le rapport Ringard, publié en juillet 2000, à propos de l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique, a marqué une étape importante. En a découlé, en mars 2001, le Plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique des apprentissages. Cette volonté de l’Éducation nationale de repérer de façon précoce les troubles spécifiques des apprentissages est également écrite dans le Code de l’éducation.

Au sein des établissements scolaires, cet effort de repérage se met en oeuvre à travers une étroite collaboration avec les enseignants, le réseau de psychologues et les familles. Le plan d’action pour les enfants atteints de troubles spécifiques des apprentissages s’appuie sur cinq grands principes :

                        le principe de précaution ;

                        le principe de prévention ;

                        le principe de reconnaissance ;

                        le principe du droit à la scolarisation et à la prise en charge ;

                        le principe du partenariat éducatif.

 

La réalisation du bilan de la 6e année visait à déterminer si les enfants disposaient de tous les outils nécessaires pour effectuer les apprentissages. Les orientations éventuelles, suite à cette évaluation, sont modérées. Elles concernent principalement l’orthophonie et le CMP ou CMPP. On note aussi la faible part des orientations vers le centre de référence, ce qui montre que l’on attend souvent l’étape de l’apprentissage de la lecture pour effectuer cette orientation. Le nombre de bilans demandés à l’Éducation nationale est en augmentation. Ce pré-bilan peut en effet être réalisé au sein de l’Éducation nationale, avant une orientation plus spécifique.

La prise en charge peut passer par des aménagements simples : passation des consignes par écrit, photocopies, diminution de la charge de travail… Des adaptations particulières peuvent être recherchées, par exemple l’autorisation d’absences pour des consultations d’orthophonie, pendant le temps scolaire. Des matériels spécifiques (ordinateur, imprimante) peuvent également être attribués aux enfants concernés. Enfin, une adaptation des conditions d’examen peut être mise en œuvre.

De la salle

Vous avez parlé d’interventions précoces et intensives. Cela fait penser au repérage des autistes. Dans quelle mesure s’oriente-t-on vers une approche globale de ces enfants ?

Catherine BILLARD

Je croyais avoir relevé cette nécessité d’intervenir précocement, sans pour autant médicaliser la prise en charge. Des programmes existent dans d’autres pays. Des études montrent aussi qu’il est possible d’apporter, à l’école, une réponse adaptée qui permette à la moitié de ces enfants de rejoindre leurs pairs.

De la salle

La question de la causalité a été abordée par M. Ramus, qui a indiqué qu’il n’existait pas de preuve quant à la causalité psycho-affective des troubles du langage. J’ai cru comprendre qu’il n’existait pas non plus de preuves scientifiques d’une corrélation de ces troubles avec les « anomalies » sur le plan de l’imagerie médicale : or, lors d’un colloque organisé au Collège de France, autour de la plasticité du cerveau, la difficulté d’arguer du caractère génétique d’un grand nombre de troubles avait été nettement soulignée.

Franck RAMUS

Les données génétiques et en imagerie existent, en quantités importantes, sur la dyslexie. Toutes les études scientifiques portent bien sûr sur la comparaison de personnes dyslexiques et de personnes-témoins. Cela dit, les constats dont j’ai fait état sont valables « en moyenne » et il peut exister des différences, d’un individu à un autre. De plus, affirmer qu’il existe des influences génétiques ne revient pas à démentir l’existence d’influences de l’environnement.

Catherine BILLARD

Je reviens sur la question de la prise en charge globale. S’il ne fait aucun doute que la psychanalyse ne permettra pas d’apprendre à lire à un enfant, en revanche, le double regard porté sur l’enfant (psychanalytique et cognitif) est pertinent. Il est donc tout à fait possible de travailler ensemble et c’est même là la clé d’une prise en charge efficace.

Colette VIDAILHET

L’échec scolaire a des conséquences psychologiques et psycho-affectives qui peuvent être graves chez l’enfant, et provoquer une blessure narcissique et un sentiment de culpabilité chez les parents. Cela requiert par conséquent une prise en charge adaptée, même s’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un problème de pédopsychiatrie.

Franck RAMUS

S’agissant de la plasticité cérébrale, il est important de rappeler que même si cette plasticité existe, comme en témoignent des exemples spectaculaires de rééducation, on ne peut pas faire tout et n’importe quoi. Il existe en effet des limites assez strictes à cette plasticité.

Sylvie FRANCHINI, Association Apedys Aquitaine

En termes d’aménagements, la loi de février 2005 sur le handicap a parasité les travaux antérieurs du rapport Ringard et du plan d’action de 2001. Il est notamment regrettable de devoir aller, parfois, jusqu’à la reconnaissance du handicap, alors qu’une prise en charge précoce pourrait permettre à ces enfants d’aller assez loin dans leur cursus scolaire, comme vous l’avez d’ailleurs vous-même souligné dans votre exposé.

Jeanne-Marie URCUN

Je rappelle que les ordinateurs ne peuvent être obtenus que lorsqu’il y a un PPS (projet personnalisé de scolarisation) de l’élève handicapé. Pour le reste, il s’agit d’aménagements simples, qui ne requièrent pas la reconnaissance du handicap.


Pour visualiser le film sur la dyslexie :

http://www.parisnord.idf.inserm.fr/paris7/fr/recherche_pour_tous/la_dyslexie/


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